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Appel à contributions

This CFP is now closed.

(English version below)

 

Ce colloque vise à tenter de repérer les clichés romantiques dans leur diversité, leur élaboration et leurs jeux de reprises, pour interroger la construction d’une certaine identité romantique dans la critique et le discours savant, mais plus largement dans les représentations collectives. 

     Le mot « cliché » apparaît au XIXe siècle pour désigner une plaque typographique permettant la reproduction d'une page pour le tirage de nombreux exemplaires. Le mot est devenu une figure de style qui caractérise l’emploi d’une expression stéréotypée. Synonyme de poncif et de lieu commun, le cliché est le résultat d’une construction littéraire. Outil langagier et stylistique, il est un objet littéraire et culturel complexe, qui soulève la question de l’originalité en interrogeant conjointement la création et la réception de l’œuvre. Si on reconnaît le cliché (qui repose sur un répertoire supposément partagé d’images et d’allusions), on cherche peu à le connaître en l’analysant dans une perspective critique : quand une expression devient-elle un cliché ? Au prix de quelles transformations ? Selon quelles intentions ?

     La période d’émergence du romantisme se prête de façon privilégiée à ces questionnements, le courant romantique étant identifié comme tel à partir d’idées communes au contenu souvent flou et aux images totémiques, à l’instar de « la fleur bleue » qui a connu un glissement symbolique, de la figuration de l’absolu amoureux et artistique chez Novalis à une catégorie esthétique de la mièvrerie.

     Chargé négativement, le cliché apparaît d’abord comme quelque chose que l’on dénigre ou dont on s’amuse : il décrit de manière appropriée l’héritage ambigu du romantisme. En France, le rejet du cliché romantique est incarné par Madame Bovary de Flaubert (1857). Flaubert s’attaque au cliché du romantisme mussetien – ou, plus largement, au romantisme en tant qu’il est devenu un cliché, une attitude et une posture. Or, ce romantisme ainsi mis à distance n’épuise pas l’écriture romantique : il y a eu un autre romantisme avant lui, ainsi que de nombreuses voies alternatives. De plus, Flaubert renforce les clichés romantiques autant qu’il les dénonce. C’est ce paradoxe de la réception du romantisme que nous souhaiterions interroger. Cependant nous cherchons aussi à interroger le rôle du cliché dans la composition  et la lecture que les auteurs romantiques faisaient eux-mêmes des clichés qui leur étaient attribués, dont ils jouaient et qu’ils tournaient en dérision. Percy Shelley par exemple, dans Défense de la Poésie, souligne que la fonction du poète est de combattre les clichés, et de sans cesse renouveler la langue pour l’en débarrasser : “Their language is vitally metaphorical; that is, it marks the before unapprehended relations of things and perpetuates their apprehension, until the words which represent them, become, through time, signs for portions or classes of thoughts instead of pictures of integral thoughts; and then if no new poets should arise to create afresh the associations which have been thus disorganized, language will be dead to all the nobler purposes of human intercourse.” Dans l’appareil théorique qui accompagne la production poétique, la fonction du poète ainsi abordée est de revitaliser la métaphore qui est devenue catachrèse, c’est-à-dire cliché. 

 
Quelques pistes de réflexion possibles (cette liste est non-exhaustive) : 

 

- Le cliché se fonde beaucoup sur la répétition, et est déjoué par l’ironie. Dans quelle mesure les romantiques étaient eux-mêmes conscients de certains clichés ? Comment ont-ils eux-mêmes façonné ou établi certains clichés ? En quoi ceux-ci ont-ils partie liée avec l’effort de théorisation appréhendé parfois comme l’une des caractéristiques fondamentales du romantisme ? Dans quelle mesure l’utilisation des clichés et l’ironie romantique sont-ils liés ?

- Le cliché soulève la question de l’originalité. Comment la singularité du génie original, qui est l’un des mythes du romantisme, peut-elle s’accommoder de l’utilisation de clichés ? Dans quelle mesure le concept de génie romantique est-il lui-même un cliché ?  

- À quoi sert le cliché ? Quels enjeux idéologiques et esthétiques lui sont associés ? Quelle récupération permet-il ? En quoi est-il un objet polémique ?

- Le cliché engage une réflexion sur la réception des œuvres romantiques. On peut tenter d’établir une cartographie du cliché selon une perspective archéologique d’inspiration foucaldienne : à partir de quel moment une image ou un thème deviennent-ils un cliché ? Cette transformation va-t-elle nécessairement de pair avec une modification de son contenu (affaiblissement sémantique ou remplacement d’une donnée esthétiquement motivée par une dimension évocatoire plus imprécise) ? La constitution du cliché a-t-elle valeur de reconnaissance (hommage) ou le régime de l’allusion s’accompagne-t-il forcément d’une perspective critique négative ? On attribue souvent des clichés au romantisme pour diminuer sa charge transgressive et politique, et pour tourner en dérision son paradigme de lecture et sa vocation épistémique. Le cliché pose alors le problème de l’altérité du romantisme dans l’histoire littéraire et dans le contexte des pratiques de lecture actuelles.  

 

Le sujet s’inscrit dans une perspective comparatiste, et nous accueillerons avec plaisir les communications proposant une perspective panoramique, comme celles qui porteront sur une aire linguistique spécifique (sur le romantisme allemand, anglais, français, italien, russe, scandinave, etc.) Les interventions pourront se faire en anglais ou en français.

 
Les propositions de communications (300 à 500 mots), assorties d’une courte biographie, sont à adresser aux organisatrices Pauline Hortolland et Florence Schnebelen avant le 30 mars 2022 :

pauline.hortolland@etu.u-paris.fr ; florence.schnebelen@uha.fr

Les réponses seront communiquées la première semaine d’avril.

 

Le colloque aura un format hybride. Si la situation sanitaire le permet, les deux journées se tiendront sur le campus de l’Université de Paris. Les repas (collations et déjeuners des 20 et 21 mai, dîner du 20 mai) seront pris en charge pour les intervenants.

***

The aim of this conference is to identify various Romantic-period clichés and to analyse how they were built and played with. This will lead us to question the construction of a so-called Romantic identity in literary criticism, but also more generally in collective representations. 

The word “cliché” was coined in the 19th century and originally referred to a stereotype block that could reproduce types or images repeatedly. The word now characterises “a phrase or expression regarded as unoriginal or trite due to overuse” (OED). Alternatives to the term “cliché” include words such as “commonplace” and “topos”. Any trope, image, figure, and theme can potentially become a cliché. This very intricate concept raises the issue of artistic originality both in terms of literary creation and of reception. This conference stems from the observation that clichés are often easily identified, but rarely examined under a critical lens. When and how does a phrase, an image, a theme, or a figure become a cliché? Is repetition enough to transform a trope into a cliché, as suggested by its etymological root? As writers of the Romantic period rarely used this word, one of the aims of this conference is also to translate it into the critical and poetical language of that time.

In many countries, Romanticism is nowadays often associated with popular sentimental images and figures which distort and impoverish its original contents, turning for instance the concept of absolute love in Novalis’ works into a symbol of mawkishness (“fleur bleue”, in French). The cliché is thus both an effacing of meaning through repetition and a reduction or a parody, which raises issues of reception. Among other possible approaches, this could spur our delegates to examine the ideological implications of turning Romanticism into a cliché. For instance, to what extent did T.S. Eliot’s desire to turn Percy Shelley’s political stance in his earlier utopian poems into a cliché participate in a more general attempt to define literature outside of the realm of politics? Indeed, the concept of the “cliché” has often been used as a weapon by later authors and critics to downplay the subversive dimension of Romantic literature and to define it as an outworn paradigm. This phenomenon was already under way during the Romantic period – for instance, John Keats was often charged with Cockney sentimentality by Tory reviewers, exposing the complex connections between cliché, taste, and class. In Germany, many features of Romanticism which were conceptualized by Charles de Villers and Madame de Staël at the beginning of the 19th century, were associated to spirituality and led to the juxtaposition of Romanticism and idealism, creating an ethereal German Romantic identity. This construction proves particularly enduring, although Novalis underlines in his works the importance of the body and reflects in his fragments on the implications of transcendental medicine

However, the concept of the cliché can also be useful to analyse the way Romantic writers defined literary creation. One could say that Wordsworth, in the ‘Preface’ to the second edition of Lyrical Ballads, aims to forsake the clichés of 18th-century poetic diction. Percy Shelley, in A Defence of Poetry (§3), defines poetic art as a way to revitalize dead metaphors, that is, commonplaces and clichés. In Don Juan, Byron repurposes the cliché of Don Juan as an active seducer, turning him into a prey for women. Yet, to what extent is this conception of literary creation a modernistic cliché that we retrospectively apply to the Romantic period? 

Romantic writers also gained mastery over these clichés by playing with them, sometimes unwittingly reinforcing them – Percy Shelley, for instance, in ‘Letter to Maria Gisborne’ plays with the cliché of the evil Romantic poet by describing himself as an “Archimago”, and largely contributed with Adonais to the construction of the cliché of the frail, feminised Romantic poet. 

In France, Romanticism is often reduced to the post-1830 cliché of Mussetian sentimentalism, which Flaubert notoriously debunked in Madame Bovary, thus distorting and obscuring the legacy of other French Romantic writers such as Lamartine or Vigny. Reflecting on the concept of the Romantic cliché from a French perspective is therefore a way to underline how French Romanticism was adulterated and deformed by later conservative writers and by the appearance of a new paradigm of reading which derides the ambition of Romantic writers to philosophize. 

Finally, moving on to an often less studied linguistic area, one cannot but notice the complexity of the appropriation of Romanticism in 19th-century Danish literature. For instance, in Jens Peter Jacobsen’s novel Niels Lyhne (1880), Romanticism is both conjured up as a source of evocative images and ironically rejected : the eponymous character uses his Romantic clothing as a means of seduction which he can nonetheless abandon instantly. 

These examples underscore the complexity of the construction of the so-called Romantic identity. Accordingly, we intend our conference to be cliché-ridden in the widest possible sense:

-       cliché, repetition and Romantic irony 

-       cliché and tribute

-       cliché, artistic originality and Romantic genius

-       cliché as ideological debunking of Romanticism 

-       genealogy / cartography of the Romantic cliché

-       …

 

The conference falls within the scope of comparative studies and we hope this will enable us to compare diverse receptions of Romanticism. We welcome panoramic proposals as well as proposals addressing a specific linguistic area (British, Irish, German, French, Italian, Spanish, Scandinavian Romanticisms…).

 

Please submit abstracts of 300 to 500 words to Pauline Hortolland and Florence Schnebelen: pauline.hortolland@etu.u-paris.fr ; florence.schnebelen@uha.fr

 

Deadline: 30 March 2022

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